Synopsis
Après l’attaque inattendue
des revenants d’Echron, Khullan est
sous le choc. Jamais encore le Royaume n’avait été touché au sein même de sa
capitale. C’est en se frayant un chemin jusqu’aux appartements du prince, parmi
les décombres de la tour de la Reine, que les soldats de la Charge découvrent
un revenant vivant. Interrogé par le
conseil du roi, l’homme prétend avoir été ensorcelé, au cœur de Felkon, par un
homme-bête difforme. Difficile de prêter foi aux délires d’un fou, mais
l’affront ne pouvant rester impuni, Cavar décide de dépêcher tous les soldats
valides dans cette immense forêt que l’on dit maudite. Myst, qui a
miraculeusement survécu à la tentative d’assassinat du prince, fera partie de
l’expédition dans le Sud. Quant à Azar, il ne compte pas rester en
arrière : ce voyage sera une occasion inespérée d’échapper pour un temps
au mariage imposé par son père, d’en apprendre davantage sur son frère disparu
et, qui sait, d’obtenir le pardon de celui qu’il a si vilement trahi…
Introduction chapitre 4
En ces heures sombres
de l’Histoire, les dieux étaient vengeurs et cruels. Zedorg, lorsqu’il imposa
son culte sur les Terres du Nord, ne fit pas exception. Il était froid,
implacable et exigeait de ses disciples de grands sacrifices. Son choix, au moment
d’apposer sa marque, se portait sur des hommes et des femmes dont les
prédispositions pour la magie étaient reconnues. Souvent, ils étaient déjà dans
la fleur de l’âge quand leurs dons se manifestaient pour la première fois.
Lorsque cela arrivait, ils étaient menés au Temple, de force, pour y être
marqués du trident de Zedorg. Ils laissaient derrière eux femme, mari, enfants,
parents et possessions pour vouer leur vie au perfectionnement de leur art,
pour la gloire de leur Maître et la puissance de Kizefgurg. S’ils pleuraient
trop longuement leur vie passée, il arrivait au Maître d’ordonner le sacrifice
des êtres qui leur étaient chers. Ils se contraignaient donc à l’oubli,
recourant parfois à des drogues puissantes, car Zedorg savait lire dans le
secret de leurs cœurs et pouvait y déceler la plus infime trace de regret.
Extrait chapitre 8
À l’approche de la forêt de Felkon, Myst fut assailli par
une sensation de froid intense. Non pas un froid physique, palpable, comme
celui des plaines glacées de Kizefgurg, mais un froid intérieur, comme si ses
entrailles mêmes, tout à coup, s’étaient mises à grelotter. Il aurait été bien
incapable de mettre des mots sur ce qu’il ressentait, et n’aurait pas trouvé la
force, de toute façon, d’ouvrir la bouche. À en juger par le silence farouche
qui s’était installé dans leurs rangs et les mines déconfites des soldats, il
n’était pas le seul à goûter ce profond malaise.
Les épaules de Verth frémirent brièvement.
— C’est chaque fois la même chose, grommela-t-il en fixant
la forêt d’un air dégoûté. T’en fais pas, Myst, on s’y habitue.
Le voleur hocha la tête avec gravité. Il avait souvent
entendu les khullanis parler de la terrifiante forêt de Felkon et des nombreux
dangers qu’elle recélait. Mais ces conversations, qu’ils échangeaient à
mi-voix, les yeux agrandis par l’effroi et l’excitation, l’avaient toujours
fait sourire. Il avait imaginé que ces gens du désert, habitués à voir
l’horizon, craignaient la forêt par pure ignorance. Il se rendait compte, à
présent, qu’il avait eu tort : Felkon n’avait rien à voir avec les bois
frais et aérés de Sefir, où la vie foisonnait. C’était un endroit sombre,
hostile, dont le silence pesant n’était rompu que par le craquèlement rauque
des branches qui ployaient sous le vent.
Face à eux, rectiligne et parfaitement délimitée par des
accotements de pierre, la large route d’Echron faisait l’effet d’une vallée
encaissée cernée de hautes murailles végétales. Bien qu’elle fût totalement
dégagée, son tracé se perdait rapidement dans une sorte de brume grisâtre.
Kesher ordonna le dressement du camp et mit pied à terre, le
visage fermé. En comparaison, Hakim paraissait presque détendu. Il devait être
accoutumé à la sinistre atmosphère de la région. Azar, quant à lui, arborait
une expression indéchiffrable. Il resta à dos de jument, le regard perdu sur
l’étendue infinie de Felkon, comme à l’écoute d’une voix que lui seul
entendait. Le nez en l’air, il inspirait profondément, comme à la recherche
d’une fragrance familière.
— L’as-tu souvent traversée ? demanda Myst à Verth
tandis qu’ils dressaient la tente du prince.
— À trois reprises. À vrai dire, je ne suis allé qu’une
seule fois jusqu’à Echron. Les deux premières fois, nous nous étions arrêtés à
la clairière du pendu, puis nous avions fait demi-tour…
— La clairière du pendu ?
— Oui, c’est l’une des douze clairières artificielles qui
jalonnent la route. Elles permettent aux troupes de bivouaquer convenablement.
Elles portent toutes des noms sordides.
— Y a-t-il une raison à cela ?
— J’imagine qu’elles font référence aux événements tragiques
qui ont ponctué la construction de cette route. Tu as sûrement entendu dire que
pour chaque arbre abattu, Felkon reprend une vie.
— Oui, c’est un proverbe bien connu.
— C’est un peu exagéré, évidemment, car si tel était le cas,
il n’y aurait plus âme qui vive dans le Royaume de Khull. Mais ce qui est
certain, c’est que la construction de la route fut très lourde en pertes
humaines. Je ne suis pas superstitieux, d’habitude, mais crois-moi, je ne
m’aviserais pas de couper ne serait-ce qu’une branche ou d’allumer le moindre
feu là-dedans.
Myst tendit la toile, planta énergiquement un piquet dans le
sable et se redressa. La main en visière, il observa de nouveau la forêt. Le
malaise que l’activité avait dissipé ressurgit aussitôt. Son attention se
reporta alors sur Azar : le prince n’était toujours pas descendu de cheval
et continuait de fixer, de son étrange regard sans pupilles, la masse obscure
de Felkon. Troublé, Myst préféra détourner les yeux.
— Comment sont-ils morts, ceux qui ont construit la
route ? demanda-t-il en suivant Verth à l’intérieur de la tente.
— De toutes les façons possibles. Certains ont été retrouvés
tout raides, un matin, sans aucune blessure apparente, la bouche ouverte comme
s’ils avaient voulu crier, les yeux exorbités. Morts de peur, probablement.
D’autres ont été écrasés par des arbres, ou dévorés par des bêtes. Beaucoup ont
perdu la raison et se sont donné la mort. Certains se sont entretués… Des
groupes entiers d’ouvriers ont été décimés comme ça. Il ne faisait pas bon, à
l’époque, travailler sur ce chantier. D’ailleurs, ils ont failli ne pas la
finir, cette fichue route. Il était devenu très difficile de trouver des
volontaires, malgré les sommes faramineuses qui étaient offertes. La couronne
avait même envisagé d’acheter des esclaves à Tsan !
Les deux hommes déposèrent le coffre d’Azar à côté de sa
couche, puis installèrent son baldaquin. Cette tâche leur était désormais si
familière qu’ils l’exécutaient sans réfléchir, avec des gestes sûrs et rapides.
— J’étais impatient de quitter la fournaise du désert, mais
à présent je ne suis plus très sûr de vouloir entrer dans cette forêt, avoua
Myst avec une moue embarrassée.
— Je ne pense pas que qui que ce soit ait envie d’y
pénétrer. Nous ressentons tous la même chose, crois-moi, dit Verth d’un ton
rassurant.
— Il a raison.
Les deux soldats se retournèrent vers Azar, qui les
regardait avec gravité, à l’entrée de la tente. Il était encore plus pâle qu’à
l’accoutumée et semblait peiner à rester debout.
Introduction chapitre 13
Rares sont les
occasions d’observer les hommes-cerfs. En dépit de leur carrure colossale, ils
sont d’une discrétion légendaire. Ceux qui ont la malchance de croiser leur
chemin ne les remarquent qu’au dernier moment et sortent rarement indemnes de
cette confrontation. Les hommes-cerfs sont d’ailleurs si silencieux et experts
en dissimulation qu’on leur prête certains dons pour la magie. D’aucuns iront
jusqu’à prétendre qu’ils ont la capacité de se rendre tout bonnement
invisibles.
Par chance, ces
créatures farouches évitent la route d’Echron et les abords de la ville.
Cependant, il est déjà arrivé, pour d’obscures raisons, que les hommes-cerfs
franchissent les limites de la Forêt et livrent bataille aux hommes. Nous avons
tous en mémoire le terrible massacre de la Pierre Dressée, en l’an XXVI du
règne d’Alivar le Conciliant, qui opposa un groupe de ces créatures à des
ouvriers d’Echron chargés par le conseiller de l’époque d’abattre l’encombrant
monument. Suite à cette tragédie, personne n’osa remettre en cause le caractère
sacré de la colonne…
Brève étude sur les hommes-bêtes, par l’érudit Brom
de Grevindorg
Extrait chapitre 10
— Vos recherches avancent-elles ? s’enquit la
domestique en lorgnant le fond de la bouteille. Zut, elle est déjà
vide.
Triska s’étira de tout son long pour saisir, du bout des
doigts, un parchemin qu’elle avait mis de côté. Elle le ramena à elle avec un
râle sans élégance et le déroula face à la domestique.
— Vous voyez, ce symbole. Ne vous rappelle-t-il rien ?
— Si, bien sûr, confirma Raka en hochant la tête. La
cicatrice de Myst…
— Exactement. Azar l’a dessiné un peu partout. Je crois
qu’il s’y intéressait de près. Ça a dû l’intriguer, lui aussi. Regardez, il a
pris des notes.
— Je ne sais pas lire, dame Prêtresse, lui rappela la
domestique.
— Oh, oui, c’est vrai. J’avais oublié… D’après ce qu’il a
écrit, ce symbole serait couramment associé à Zedorg, le dieu mage des
kizefgurgis.
— Quel rapport avec Myst ? s’étonna Raka. Il est
isthmiri, n’est-ce pas ?
— Oui, mais ça ne veut rien dire. Il pourrait très bien
avoir vécu dans le Nord et l’avoir caché à Azar.
— Pourquoi aurait-il fait ça ?
Triska se mordilla la lèvre et fit la grimace.
— Je n’en suis pas sûre, mais…
Elle se leva d’un bond, vacilla un instant comme l’alcool
lui montait soudainement à la tête et parcourut des yeux les rayons de la
bibliothèque. Elle trouva l’ouvrage qu’elle cherchait, s’en empara et revint
s’affaler au côté de la domestique.
— De quoi s’agit-il ? s’enquit Raka tandis que Triska
tournait fébrilement les pages du livre.
— C’est un traité de théologie. Un bouquin absolument
insipide, mais je crois me souvenir… Voilà ! C’est bien ce qui me
semblait ! s’exclama-t-elle triomphalement en pointant un paragraphe du
doigt. Selon certains théologiens, Zedorg n’existerait pas réellement…
— Quoi ?
— C’est écrit là : D’aucuns
s’accordent à penser que le dieu magicien ne serait qu’un deuxième aspect de
Sitark, le dieu guerrier. Il s’agit là d’une théorie qui n’est pas partagée
par… bla bla bla… la prononciation
aurait été altérée au fil des siècles… hmmm… Vous rendez-vous compte, Raka ? vociféra-t-elle en
refermant brutalement le livre.
La domestique eut un mouvement de recul effrayé et demanda
d’une voix hésitante, sur la défensive :
— De quoi devrais-je me rendre compte, Prêtresse ?
— Quel peuple rend un culte à Sitark, le dieu
guerrier ? fit-elle avec impatience en la lorgnant par en dessous, les
yeux plissés.
— Les urkanis, mais je ne vois pas où vous voul…
— Et si Myst était un espion urkani, envoyé par Urik pour
gagner la confiance d’Azar et le manipuler, ou pire encore ?
Raka laissa échapper un hoquet de surprise.
— Vous n’êtes pas sérieuse !
— Cet homme ne m’inspire pas confiance, et ce n’est sûrement
pas un hasard. Nous devons envisager toutes les possibilités.
— Ne laissez pas vos sentiments altérer votre raisonnement,
ma dame.
— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler ! s’écria Triska
en la foudroyant du regard.
Raka secoua lentement la tête.
— Soyez honnête avec vous-même. Vous seriez prête à imputer
n’importe quelle faute à ce voleur pour justifier, à vos propres yeux, la profonde
rancœur que vous lui portez. Vous êtes jalouse de l’affection que le prince lui
témoigne, pourquoi le nier ?
Triska ne pouvait pas voir son propre visage, mais elle
aurait juré qu’en cet instant, il avait pris une teinte proche de celle du vin
de Vilgrith qu’elle venait d’ingurgiter. Regrettant amèrement que la bouteille
fût déjà vide, elle déglutit avec peine et décida sagement de changer de sujet.
— Savez-vous ce qu’est un Deihijin, Raka ?
Extrait chapitre 14
L’homme-bête aux cheveux blancs
lui tendit une écuelle de terre cuite où bouillonnait une mixture verdâtre au
parfum prononcé de moisissure. Pour ne pas le froisser, il l’accepta en lui
adressant un sourire tremblotant.
— Il te recevra bientôt, annonça Ezephrael
en s’asseyant à côté d’un homme-cerf à la robe noire particulièrement
intimidant.
Elle s’était éclipsée quelques
minutes sous une large tente dressée non loin du feu de camp, plongeant Azar
dans un profond état d’anxiété : il se sentait aussi vulnérable qu’un
insecte au milieu de ces hommes-bêtes colossaux, qui ne cessaient de l’examiner
de la tête aux pieds en échangeant des commentaires dans leur langue. Car si
Ezephrael, aussi haute et plus large que Verth, était déjà impressionnante, ses
congénères masculins étaient pour le moins monstrueux. Il n’y en avait que
trois, mais ils prenaient à eux seuls plus de place que dix hommes.
L’homme-bête aux cheveux blancs
dit quelque chose de sa voix de ténor en désignant l’écuelle qu’Azar avait
posée sur ses genoux.
— Il s’étonne que tu ne manges pas,
traduisit inutilement Ezephrael. Tu devrais reprendre des forces.
Azar opina du chef et baissa les
yeux sur l’infâme brouet vert. Afin de quitter le château, il avait
volontairement provoqué une violente dispute avec Tharen et quitté sa table
sans avoir rien avalé. Il avait ensuite semé Verth et Alim dans un tripot,
traversé la moitié de la ville et plongé dans les eaux glacées du port, nagé
jusqu’à la lisière de la forêt, puis était remonté, à pied, jusqu’à la Pierre
Dressée. Tous ces efforts, combinés à l’éprouvant voyage en compagnie
d’Ezephrael, l’avaient affamé. Pourtant, face à cette bouillie immangeable, il
se sentait prêt à jeûner indéfiniment.
Comme il hésitait à y toucher,
Ezephrael lui fit les gros yeux. Même chez les hommes-cerfs, il devait être mal
vu de ne pas honorer la cuisine de ses hôtes. Il ôta son gant, plongea les
doigts dans le brouet chaud et, nauséeux, le goûta du bout des lèvres. Contre
toute attente, ce n’était pas mauvais.
Alors qu’il entamait goulûment son
repas, soudain soulagé, l’aspect de sa main arracha quelques commentaires
stupéfaits aux hommes-bêtes.
— Pourquoi ta peau est-elle
ainsi ? demanda Ezephrael avec méfiance.
— Je… C’est une maladie, mentit-il
en s’empourprant.
La femme-bête traduisit sa réponse
avec une moue écœurée.
— Thaa kirtu gamlitli, dit
l’homme-cerf au poil noir d’un air dédaigneux.
Ezephrael pouffa de rire et se
lança dans un long récit, où le mot gamlitli
revenait souvent. Puis elle fit un geste suggestif et tous éclatèrent de rire.
Azar piqua un fard, vexé.
— Vous vous moquez de moi,
n’est-ce pas ? s’indigna-t-il en foudroyant Ezephrael du regard.
Toujours hilare, la femme-bête lui
adressa un clin d’œil moqueur. Les autres s’esclaffèrent de plus belle.
— Que signifie ce mot ?
demanda Azar, écarlate, les lèvres tremblant de colère contenue.
— Le gamlitli est un nouveau-né trop faible pour survivre. Dans ta
langue, on le traduirait par culot de
portée, ou demi-portion.
— Sache que chez les hommes, je
suis plus grand que la moyenne !
— Je ne l’ignore pas, petit prince
de Khull. Mais gamlitli désigne aussi
celui qui a des ambitions démesurées, mais aucunement les moyens de les
réaliser, dit-elle en se tordant de rire.
Azar ne comprit pas immédiatement
où elle voulait en venir puis, se rappelant le geste évocateur de la
femme-bête, quelques instants plus tôt, il se sentit mourir de honte :
elle avait dû leur raconter l’embarrassant épisode de l’érection, près de la
Pierre Dressée. Il baissa la tête, profondément humilié. Il se sentait plus
démoralisé que jamais.
Soudain, l’homme-cerf aux cheveux
blancs se leva et contourna le feu de camp en seulement deux enjambées. Il
s’assit lourdement à côté d’Azar et le fixa intensément, visiblement intrigué.
Azar roula des yeux, affolé, tandis que l’homme-bête tirait sur une mèche de
ses cheveux pour l’examiner attentivement. Osant à peine respirer, il écouta
avec appréhension la question qu’il posait à Ezephrael, d’une voix si grave et
caverneuse qu’elle faisait vibrer tout son corps.
— Negel veut savoir pourquoi tes
cheveux sont comme les siens, alors que tu es si jeune, traduisit-elle.
— Il n’y a pas de raison
particulière. Ils sont comme ça, c’est tout.
Negel écouta la traduction
d’Ezephrael, hocha la tête et tâta avec intérêt le bras d’Azar. Son immense
main aurait pu en tenir trois.
— Il veut savoir où sont passés
tes muscles, dit Ezephrael en se remettant à rire.
Azar leva un regard intimidé sur
Negel, dont l’énorme visage arborait une expression de pure curiosité, presque
enfantine. Il devait être très âgé, à en juger par les rides profondes qui
creusaient ses joues, et que sa dense pilosité faciale ne parvenait plus à
dissimuler. Au sommet de son crâne, ses larges dagues étaient éraflées, comme
s’il les avait longuement frottées contre un arbre. La pointe de l’une d’elles
avait été cassée.
Azar esquissa un sourire timide,
espérant ardemment qu’il n’en prendrait pas ombrage. À son grand soulagement, Negel le lui rendit. Il lui
manquait une dent.
— C’est la première fois que Negel
voit un humain de si près, dit Ezephrael. D’habitude, il ne s’aventure pas
en dehors de la ville, car il peine à se déplacer. Mais il a insisté pour
venir, ce soir. Il voulait te rencontrer. Negel est notre doyen, il est le plus
sage des felknis.
— Les felknis ? Est-ce ainsi que vous vous nommez ? demanda
Azar sans quitter des yeux le vieil homme-bête, fasciné.
— D’où crois-tu donc que cette
forêt tire son nom ?
— Je pensais que… En réalité, je
ne m’étais jamais posé la question, avoua-t-il en laissant, avec un certain
malaise, Negel toucher son visage fardé.
L’homme-cerf observa le bout de
son doigt velu avec circonspection, puis le montra à ses compagnons comme s’il
avait fait la plus grande découverte de sa vie. Le felkni aux longs cheveux
blonds hirsutes posa une question à Ezephrael.
— Ils se demandent pourquoi tu
mets de la cendre sur ton visage, dit-elle.
Pris au dépourvu, Azar hésita.
— Dis-leur que c’est pour me
cacher, dit-il enfin d’une voix chevrotante. Parce que je suis différent
des autres hommes.
Ezephrael le dévisagea gravement,
d’un regard inexplicablement compatissant. Elle ne traduisit pas sa réponse.
J'ai devoré ce livre, je l attendais impatiemment, à quand le troisieme tome.
RépondreSupprimerPascale
Je ne peux rien annoncer pour l'instant concernant le tome 3 car je compte changer d'éditeur (l'actuel étant pour le moins catastrophique, contre-productif et malhonnête!). En tout cas merci beaucoup pour votre soutien, Pascale, ça me met du baume au cœur et ça m'encourage à continuer malgré l'ampleur de la tâche ! (et là je ne parle pas de l'écriture en elle-même, qui est un vrai plaisir, mais de la confrontation avec le monde tordu de l'édition et du livre qui me laisse de plus en plus perplexe!!!)
SupprimerEncore merci !
Hélène